J.O. 50 du 28 février 2007
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 9 février 2007 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2007-548 DC
NOR : CSCL0710023X
LOI RELATIVE AUX RÈGLES D'URBANISME APPLICABLES DANS LE PÉRIMÈTRE DE L'OPÉRATION D'INTÉRÊT NATIONAL DE LA DÉFENSE ET PORTANT CRÉATION D'UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE GESTION DU QUARTIER D'AFFAIRES DE LA DÉFENSE
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense telle qu'adoptée par le Parlement.
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Cette loi est issue d'une proposition sénatoriale visant, selon les propos de son rapporteur, à permettre la relance de la compétition internationale du premier quartier d'affaires d'Europe, le quartier dit « de La Défense » « en améliorant et en sécurisant les règles juridiques et financières relatives à la gestion et à l'aménagement de ce quartier » afin d'éviter une diminution de son attractivité qui aurait « des conséquences préjudiciables non seulement pour le quartier lui-même, mais, au-delà, pour l'ensemble de la région francilienne et pour la France » (1).
Afin d'éviter toute mauvaise compréhension de la présente saisine, ses auteurs entendent affirmer, à titre liminaire, leur attachement à l'objectif que la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (2) a assigné au schéma directeur de la région Ile-de-France : maîtriser la croissance urbaine et démographique de cette région et l'utilisation qui y est faite de l'espace tout en garantissant son rayonnement international.
La préoccupation du rayonnement international d'un quartier ou d'une région ne justifie pas cependant que l'on méconnaisse les principes de clarté et d'intelligibilité de la loi, d'égalité devant la loi et de libre administration des collectivités territoriales comme le fait la loi déférée, dans l'analyse des auteurs de la saisine. Ces derniers vous demandent donc d'examiner l'ensemble de ce texte et plus particulièrement ses articles 1er et 2, au regard des articles 34 et 72 de la Constitution et des principes précités ainsi que de tous autres à ajouter ou suppléer, même d'office, notamment l'article 37 de la Constitution.
Sur l'article 1er
L'article 1er introduit dans le titre IV « Dispositions particulières à certaines parties du territoire » du livre Ier « Règles générales d'aménagement et d'urbanisme, du code de l'urbanisme », au chapitre Ier « Dispositions particulières à Paris et à la région d'Ile-de-France », après la section 1 « Schéma directeur », une section 2 « Règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense ».
Cette nouvelle section est composée des deux articles suivants :
« Art. L. 141-3. - La modernisation et le développement du quartier d'affaires de La Défense présentent un caractère d'intérêt national.
« Un décret en Conseil d'Etat arrête les orientations générales d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et relatives à la modernisation et au développement de ce quartier.
« Les constructions, travaux, installations et aménagements nécessaires à leur mise en oeuvre peuvent être qualifiés par l'autorité administrative de projets d'intérêt général, dans les conditions définies par le décret en Conseil d'Etat pris pour l'application de l'article L. 121-9.
« Art. L. 141-4. - Pour mettre en oeuvre les orientations générales visées à l'article L. 141-3, un décret en Conseil d'Etat pris sur le fondement de l'article L. 111-1 précise les règles d'urbanisme applicables, jusqu'à l'approbation d'un plan local d'urbanisme, sur les parties du territoire du quartier de La Défense qui ne sont pas couvertes par un tel plan ou un document d'urbanisme en tenant lieu. »
Le régime des opérations d'intérêt national (OIN) est défini par le premier alinéa de l'article L. 121-2 (« Dans les conditions précisées par le présent titre, l'Etat veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à la prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations d'intérêt national... ») et par l'article L. 121-9 du code de l'urbanisme (« Des décrets en Conseil d'Etat déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre. Ces décrets précisent notamment la nature des projets d'intérêt général, qui doivent présenter un caractère d'utilité publique, et arrêtent la liste des opérations d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2. »). Les effets de ces opérations, qui résultent des articles L. 111-10, L. 311-1 et L. 421-2-1 de ce code, portent sur le régime des autorisations d'aménager et de construire.
Le pouvoir réglementaire détermine la liste (art. L. 121-9) et le périmètre (art. L. 421-2-1) des OIN. A la date d'adoption de la loi déférée, l'OIN visée à l'article 1er était constituée des « travaux relatifs [...] à l'aménagement de La Défense dans un périmètre défini par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme à l'intérieur du périmètre de compétence de l'Etablissement public d'aménagement de La Défense » (art. R. 490-5 CU) et son périmètre s'étendait, comme il a été dit pendant les débats, sur les deux communes de Puteaux et Courbevoie.
Le constat de l'existence d'un « quartier d'affaires de La Défense » ou « quartier de La Défense » incluant une portion du territoire de la commune de Nanterre (3) et débordant donc le périmètre actuel de l'OIN de La Défense - les deux notions ne se confondent pas - joue un rôle central dans les dispositions introduites dans le code de l'urbanisme par l'article 1er. Il s'abstient cependant de définir cette notion de quartier d'affaires, et notamment de préciser comment en seront déterminées les limites, bien qu'il affirme la vocation de ce quartier à se développer et le caractère d'intérêt national de ce développement. Il vous est donc demandé de censurer l'article 1er, en raison de cette abstention, au regard des principes de clarté et d'intelligibilité de la loi.
Sur le rôle de la notion, incertaine, de quartier d'affaires
Le législateur autorise l'autorité réglementaire à arrêter des orientations générales d'urbanisme qui seront applicables, certes, non pas au territoire du quartier mais à celui de l'OIN, mais qui devront être relatives à la modernisation et au développement du quartier.
Des constructions, travaux, installations et aménagements situés dans tout le périmètre de l'OIN pourront, à la condition d'être nécessaires à la mise en oeuvre des orientations précitées relatives au quartier, être qualifiés par l'autorité administrative de projets d'intérêt général.
Ayant autorisé le pouvoir réglementaire à arrêter des orientations applicables dans l'ensemble du périmètre de l'OIN de La Défense, le législateur l'autorise également à préciser, pour mettre en oeuvre ces orientations, « les règles d'urbanisme applicables, jusqu'à l'approbation d'un plan local d'urbanisme, sur les parties du territoire du quartier de La Défense qui ne sont pas couvertes par un tel plan ou un document d'urbanisme en tenant lieu ».
L'article L. 110 du code de l'urbanisme dispose que « ... les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace ».
Les orientations générales d'urbanisme relatives à la modernisation et au développement du quartier d'affaires de La Défense et les règles d'urbanisme précisées en vue de mettre ces orientations en oeuvre dans tout ou partie de ce quartier que vise l'article 1er comportent, pour les saisissants, des prévisions d'utilisation de l'espace au sens de l'article L. 110 du code de l'urbanisme précité.
L'article 1er doit donc également être censuré en tant qu'il autorise l'autorité réglementaire, en méconnaissance du principe d'égalité, à adopter des prévisions d'utilisation de l'espace portant sur une partie du territoire de la région Ile-de-France mais ne prévoit pas simultanément le principe d'une procédure destinée à assurer, à propos de ces prévisions, la mise en oeuvre du principe d'harmonisation posée à l'article L. 110 CU. Rien, en effet, dans la situation du quartier d'affaires ne justifie que l'on adopte des prévisions le concernant sans qu'une procédure ait permis au préalable de mettre en oeuvre ce principe. Les travaux parlementaires ont, bien au contraire, établi que l'avenir de ce quartier intéressait le développement de l'ensemble de la région Ile-de-France et du pays.
Parmi les règles d'urbanisme que l'article 1er autorise l'Etat à préciser, pourraient figurer, notamment en vue de la réalisation des travaux ou installations constitutifs de projets d'intérêt général visés au dernier alinéa de l'article L. 141-3 CU nouveau, des servitudes administratives qui dès lors se trouveraient adoptées sans que le législateur ait prévu, contrairement aux exigences qui se déduisent de votre décision no 85-198 DC du 13 décembre 1985, le principe d'une procédure destinée à permettre aux intéressés, d'une part, d'être informés des motifs rendant nécessaire l'établissement de ces servitudes, d'autre part, de faire connaître leurs observations. L'article 1er encourt également la censure de ce fait.
On comparera notamment le régime des règles d'urbanisme visées au paragraphe ci-dessus avec celui des cartes communales de l'article L. 124-1 CU que peuvent élaborer les communes qui ne sont pas dotées d'un plan local d'urbanisme. Le second des décrets en Conseil d'Etat visés à l'article 1er « pris sur le fondement de l'article L. 111-1 [CU] ». Les cartes communales sont approuvées, après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet (art. L. 124-2 CU) ; le second des décrets visés à l'article 1er n'est pas adopté après enquête publique.
L'article 1er encourt enfin la censure du fait que le législateur n'a pas exercé toute sa compétence en ne définissant pas de relations hiérarchiques entre, d'une part, les orientations générales ainsi que les règles d'urbanisme précisées que vise cet article , d'autre part, le schéma directeur de la région Ile-de-France et les autres documents d'urbanisme qui portent sur des territoires incluant le quartier d'affaires, et notamment ceux de ces documents qui seraient incompatibles avec les orientations générales adoptées par décret sans pour autant être incompatibles avec les projets d'intérêt général mettant ces orientations en oeuvre.
Sur l'article 2
L'article 2 de la loi déférée complète le titre II « Organismes d'exécution » du livre III « Aménagement foncier » du code de l'urbanisme, par 10 articles , les articles L. 328-1 à 10 formant un chapitre VIII intitulé « Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense ». Contrairement à l'Etablissement public national d'aménagement de la région dite « de La Défense » (EPAD) créé par le décret no 58-815 du 9 septembre 1958, qui est un des établissements publics visés au chapitre Ier du même titre, l'établissement public de gestion est un établissement public local.
Il résulte de l'article L. 328-1 et du premier alinéa de l'article L. 328-5 nouveaux du code de l'urbanisme que l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense est un groupement imposé des communes de Puteaux et Courbevoie et du département des Hauts-de-Seine, ce que confirment les deux premiers alinéas de l'article L. 328-6 qui qualifient ces collectivités de membres de l'établissement public de gestion : cf. les propos du ministre délégué aux collectivités territoriales au Sénat : « l'option qui a été retenue par M. Karoutchi est celle d'un établissement public local s'inscrivant dans le droit commun. L'Etat n'a donc pas à en faire partie » ; et ceux du rapporteur à l'Assemblée nationale : « La création d'un établissement public local ayant pour mission de gérer le site de La Défense, regroupant les collectivités territoriales directement concernées et impliquées dans la gestion quotidienne du quartier paraît indispensable au devenir du quartier d'affaires. »
Bien que s'inscrivant dans le droit commun des groupements de collectivités territoriales, l'établissement public de gestion, en raison du fait qu'il regroupe des communes et un département et de son caractère obligatoire, y tient néanmoins une place sans équivalent sur le plan national : pour reprendre une expression du ministre délégué, il s'agit d'un « établissement public local ad hoc ». Il appartenait dès lors au législateur, en application de l'article 34 de la Constitution (la loi fixe également les règles concernant : [...] la création de catégories d'établissements publics), de fixer l'ensemble de ses règles constitutives et, parmi elles, les dispositions qui détermineraient le cadre général de sa mission, ce que l'article 2 ne fait pas avec une précision suffisante, méconnaissant les principes de clarté et d'intelligibilité de la loi.
Or le financement des dépenses de l'établissement public de gestion, s'il n'est pas assuré par les autres recettes du groupement, sera assuré par des concours de ses trois membres et ces concours feront partie des dépenses obligatoires de ces derniers : pour reprendre des propos du ministre délégué, dans lesquels l'expression « déficit de l'EPAD » désigne, indirectement, le déficit de l'établissement public de gestion : « il est entendu que les deux communes et le département prennent en charge le déficit de l'EPAD ». Il découle donc de l'insuffisante précision du cadre général de la mission de l'établissement public de gestion que les dépenses obligatoires mises à la charge de ses membres ne sont pas définies avec précision quant à leur objet et leur portée, en méconnaissance tant de l'article 34 que de l'article 72 de la Constitution : cf. votre décision du 29 mai 1990 no 90-274 DC, loi visant à la mise en oeuvre du droit au logement : « Considérant que, sur le fondement des dispositions précitées des articles 34 et 72 de la Constitution, le législateur peut définir des catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire ; que, toutefois, les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration ; ».
Sur l'imprécision des missions
de l'établissement public de gestion
Comme il est dit au premier alinéa de l'article L. 328-6 CU nouveau, c'est par l'article L. 328-2 CU que le législateur a entendu définir les compétences dont il confiait l'exercice à l'établissement public de gestion. Il en distingue trois.
1. La première est la gestion d'un ensemble d'ouvrages publics, d'espaces publics et de services d'intérêt général.
Les dispositions qui tendent à définir cette première mission sont les quatre premiers alinéas de l'article L. 328-2 dont l'article L. 328-3 précise les effets. Ces dispositions autorisent l'établissement nouveau à gérer, outre ses propres ouvrages publics, espaces publics et « services d'intérêt général » - ce qui devrait aller de soi - certains ouvrages publics, espaces publics et services d'intérêt général faisant partie du patrimoine détenu dans le périmètre de l'OIN de La Défense par deux de ses trois membres - les communes de Puteaux et Courbevoie - ainsi que par l'Etat et l'EPAD.
Cette première mission est de nature insuffisamment précise et de portée incertaine à plusieurs titres.
En premier lieu, sa définition se réfère à la notion de « services d'intérêt général » dont les travaux préparatoires n'ont pas permis de définir le sens pour l'application de la loi déférée. Dans la mesure où l'article L. 328 CU dispose que les « services d'intérêt général » objet de la mission de gestion pourront être « remis en pleine propriété » à l'établissement public de gestion, on pourrait penser que, par le mot : « service », le législateur désigne, en réalité non pas des prestations mais des biens.
Le rapporteur à l'Assemblée nationale cependant semble considérer ces services comme des prestations lorsqu'il écrit : « Quant à la notion de services d'intérêt général, elle renvoie à une définition juridique précise issue du droit communautaire qu'il n'est pas nécessaire de rappeler ici. » Les propos du rapporteur, qui cite, comme « services d'intérêt général », l'énergie mais aussi la sécurité (4), ne permettent pas de choisir entre ces deux interprétations - bien ou prestation -, a fortiori de préciser le contenu de l'une ou l'autre.
Cette première mission est également de portée incertaine du fait que l'étendue du patrimoine sur lequel le nouvel établissement public industriel et commercial exerce des pouvoirs de gestion est imprécise et du fait que la portée de ses pouvoirs de gestion l'est également.
Sur l'étendue du patrimoine que l'établissement public
de gestion est habilité à gérer
L'habilitation donnée à l'établissement public de gestion n'a lieu, s'agissant des dépenses du patrimoine de l'Etat et des communes, que lorsque leurs propriétaires en font la demande. Une telle précision n'est apportée s'agissant de l'habilitation de l'établissement public de gestion portant sur le patrimoine de l'EPAD.
Les saisissants considèrent cependant, en raison des propos des rapporteurs tant au Sénat (5) qu'à l'Assemblée (6), que la loi déférée n'a pas pour effet, dans l'intention du législateur, d'interdire à l'EPAD de gérer les ouvrages publics, espaces publics et « services d'intérêt général » dont il est propriétaire pour lui faire obligation de les confier à l'établissement public de gestion, mais simplement de lui donner la faculté de choisir entre gérer lui-même ces biens et « services », les confier au nouvel établissement ou, enfin, les confier ou les transférer en propriété à une autre personne, par exemple aux communes. Dès lors, les ouvrages, espaces et « services » de l'EPAD, comme ceux de l'Etat et des communes, ne peuvent être gérés par l'établissement public de gestion que si leur propriétaire en fait la demande.
Ainsi la consistance exacte du patrimoine que l'établissement public de gestion est habilité à gérer résulte exclusivement, d'une part, de l'étendue du périmètre de l'OIN de La Défense fixée par arrêté ministériel, puisque l'habilitation de l'établissement cesse en dehors de ce périmètre, d'autre part, de décisions d'autres collectivités publiques, dont deux sur quatre seulement sont membres de l'établissement, et qui sont prises sur des critères et dans des conditions que la loi n'énonce pas.
On observera à titre complémentaire que l'OIN est une opération de travaux et qu'elle a donc vocation à être supprimée par décret de la liste des OIN à l'achèvement de ces derniers, ce qui mettra un terme à l'habilitation de l'établissement public de gestion et que l'article 2 ne comporte pas de dispositions tirant les conséquences d'une fin éventuelle de cette habilitation pour les ouvrages, espaces et « services » jusque-là gérés par l'établissement.
Sur l'étendue du patrimoine que l'établissement public
de gestion gère effectivement
Au regard de la lettre de la loi déférée, l'établissement public de gestion n'est pas tenu d'accepter les pouvoirs de gestion que l'Etat, les communes et l'EPAD lui demanderont d'exercer, et aucun critère n'est énoncé pour fonder sa décision d'accepter ou non d'exercer son habilitation.
Sur l'étendue des pouvoirs de gestion
de l'établissement public de gestion
L'article L. 328-3 CU nouveau dispose que « pour l'exercice des missions mentionnées à l'article L. 328-2, les ouvrages, espaces publics et services d'intérêt général visés audit article sont soit mis à disposition, soit transférés en pleine propriété à l'établissement public par l'Etablissement public d'aménagement de la région dite "de La Défense ou par les communes concernées. »
Trois des quatre collectivités pouvant confier la gestion de leurs ouvrages, espaces ou « services d'intérêt général » situés dans le périmètre de l'OIN de La Défense à l'établissement public de gestion peuvent donc choisir entre conserver la propriété de ces biens ou services ou la transférer au nouvel établissement. Les pouvoirs de gestion de ce dernier, en tout état de cause trop étendus au regard de ce que nécessiterait une définition satisfaisante du cadre général de sa mission, ne sont cependant pas les mêmes selon le choix que font ces collectivités auxquelles aucun critère de choix n'est imposé.
Dans le cas où l'établissement public de gestion se voit transférer la pleine propriété d'un ouvrage, d'un espace ou service, rien dans le texte déféré ne limite sa liberté de disposer de ces immeubles ou services ou d'en modifier l'affectation dès lors que la nouvelle affectation maintient ou confère à cet immeuble ou service le caractère d'ouvrage public, d'espace public ou de « service d'intérêt général » et l'établissement public de gestion dispose ainsi d'une telle liberté d'affectation et de disposition que sa mission de gestion ne semble, lorsqu'il est propriétaire, guère moins étendue que la compétence générale des collectivités territoriales qui en sont membres.
Dans le cas où l'établissement public de gestion ne se voit pas transférer la pleine propriété d'un ouvrage, espace ou service mais seulement sa gestion, il dispose des pouvoirs de gestion définis à l'article L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales. Il ne lui est donc pas possible de changer l'affectation des biens et « services d'intérêt général » mis à sa disposition, si ce changement nécessite des travaux sur ces biens et « services » puisque seuls des travaux qui en maintiennent l'affectation sont autorisés. Dans le respect de cette interdiction, il dispose néanmoins d'une réelle faculté d'affectation.
2. La seconde mission de l'établissement public de gestion est ainsi définie : « Il assure également la mise en valeur et l'animation du site par toute initiative appropriée. »
Cette phrase est la première du chapitre nouveau introduit par l'article 2 dans le code de l'urbanisme qui comporte le mot « site » ; or rien dans le texte de ce chapitre ne permet d'éclairer la signification à donner à ce mot pour définir la deuxième mission de l'établissement public de gestion. On peut penser à trois significations au moins : le territoire de l'OIN, la fraction du quartier d'affaires comprise dans les limites de l'OIN, les immeubles gérés par l'établissement public de gestion enfin. La portée de la mission conférée à l'établissement par la phrase critiquée varie selon l'hypothèse que l'on retiendra. On est donc en présence d'une compétence négative du législateur qui doit être censurée.
Pour le rapporteur à l'Assemblée nationale, « Le caractère normatif de cette disposition n'est pas des plus clairs, mais permet toutefois de bien différencier ce qui relève de ses missions par opposition à celles prises en charge par l'EPAD. » : on s'étonnera que l'on puisse trouver, dans une disposition dont on estime le caractère normatif incertain, de l'aide pour « bien différencier » entre les missions de deux établissements publics !
3. La dernière mission de l'établissement public de gestion est ainsi définie : « Il entreprend toute réalisation en rapport avec ces missions [celles présentées ci-dessus] afin d'améliorer la qualité de vie du quartier d'affaires ou de garantir le niveau des prestations bénéficiant à ses usagers ou à ses habitants. »
Malgré la précision apportée par le rapporteur de l'Assemblée nationale - « Précisons qu'il s'agit uniquement des prestations en lien avec les ouvrages et espaces publics ou services d'intérêt général qui lui auront été transférés. » - , cette disposition doit être censurée au regard du principe de clarté et d'intelligibilité de la loi parce qu'elle se réfère à la notion non définie de quartier d'affaires et en raison de la trop grande généralité de l'objectif consistant à « améliorer la qualité de vie ».
L'article 2 peut également s'analyser comme tendant à organiser un deuxième régime de transfert en pleine propriété à l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense des immeubles qui appartiennent à l'EPAD, à côté du régime organisé par l'article L. 318-2 du code de l'urbanisme qui pourrait être appliqué dans les mêmes circonstances. Ce second régime n'est justifié ni par des particularités de la situation de l'Etablissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense et de ses membres, ni par celles de la situation de l'établissement public d'aménagement de la région dite « de La Défense », ni par celle de l'OIN de La Défense, et méconnaît donc le principe d'égalité.
Enfin, les articles L. 328-7, L. 328-8 et L. 328-9 introduits par l'article 2 de la loi déférée dans le code de l'urbanisme sont de nature réglementaire.
Sur l'article 3
La censure de l'article 3, qui dispose que l'Etat apportera à l'EPAD des parcelles de son domaine public routier nécessaires à la mise en oeuvre des orientations et règles d'urbanisme dont le régime est fixé à l'article 1er, doit suivre la censure de l'article 1er.
Nous vous prions de croire, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.
(1) Rapport no 147 (2006-2007) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques. (2) Dont est issu le deuxième alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme. (3) Rapport no 147 (2006-2007) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, déposé le 10 janvier 2007 : « Composé essentiellement de gratte-ciel reliés par une immense dalle de 31 hectares dédiée aux piétons, le quartier de La Défense s'étend à l'ouest de Paris sur les trois communes de Puteaux, Courbevoie et Nanterre. » Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, mardi 23 janvier 2007, compte rendu no 21, M. Patrick Ollier, président, rapporteur de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de La Défense : « Inauguré par le général de Gaulle le 13 septembre 1958 sur le territoire de trois communes (Puteaux, Courbevoie et Nanterre), le quartier d'affaires de La Défense s'étend sur 31 hectares et représente aujourd'hui le plus grand centre de ce type en Europe. » (4) Rapport no 147 (2006-2007) de M. Dominique Braye, déjà cité. (5) « Si certains espaces et équipements [appartenant à l'EPAD] peuvent revenir à ces communes - pour l'essentiel ceux situés en dehors de l'emprise de la « Dalle » -, en revanche, l'imbrication des équipements publics et privés situés sur celle-ci ne permet pas d'effectuer des transferts suivant les frontières communales. Ces équipements et espaces devraient donc revenir à l'EPIC, celui-ci ayant vocation à assurer l'unicité de gestion du site. » Rapport no 147 (2006-2007) de M. Dominique Braye, déjà cité. (6) « Toutefois il conviendra de veiller à ce que la répartition des transferts de propriété des équipements et espaces publics entre les communes et le futur établissement public industriel et commercial (EPIC) soit juste et cohérente avec les missions dévolues au nouvel établissement public. » Rapport no 36000 de M. Patrick Ollier, déjà cité.